Dans le petit monde du triathlon, le nom de Tristan Beaufils commence à circuler. À 23 ans, l’étudiant lillois a fait sensation à l’Ironman de Nice en décrochant une qualification pour le Graal des triathloniens : l’Ironman d’Hawaï. Un coup de maître pour un jeune homme qui a découvert la discipline en septembre.
Difficile de le rater.
Son vélo de course artisanal à la main, bronzage de marathonien et cheveux en bataille à la Kev Adams, Tristan Beaufils est fidèle à l’idée qu’on se faisait d’un coureur de triathlon : rien en trop, rien en moins. D’emblée, le sujet est sur la table. «
Pour le bronzage, Nice ça a pas mal aidé », rigole Tristan.
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Forcément ! Neuf heures et dix-huit minutes pour avaler 3,8 km de nage, 180 km de vélo et 42 km de course à pied, le tout sous le cagnard niçois, ça aide pour prendre des couleurs. Une performance stratosphérique pour le commun des mortels qui permet à Tristan Beaufils de décrocher la neuvième place de l’Ironman de Nice, mais surtout de terminer premier de la catégorie 18-24 ans. Un résultat qui le qualifie d’office pour
le mythique Ironman d’Hawaï, le 14 octobre. Le top du top de la discipline, l’équivalent des championnats du monde.
Le syndrome Mme Pavoshko
En sixième année de médecine à Lille, Tristan a pris l’habitude de déjouer les pronostiques. «
Je tiens un blog et je fais des vidéos sur letudiant.fr pour réussir sa première année médecine, raconte-t-il.
Au lycée, ma conseillère d’orientation m’avait dit : "Tristan, ça ne sert à rien que tu fasses médecine. Ce n’est pas fait pour toi."
J’ai eu ma première année du premier coup. » Là où, en moyenne, 85 % des étudiants échouent. Sa recette ? La même que pour le triathlon. «
Il faut avoir une méthode de travail. Sinon, on va droit dans le mur. »
Quatre ans à rêver de Nice
Septembre 2016, Parisien, installé à Lille pour les études, Tristan met, une nouvelle fois, la barre très haut. Il prend une année de césure pour participer à l’Ironman de Nice et faire un gros score au concours de l’internat, celui qui permet de choisir sa spécialité. «
Je viens de l'athlé. Depuis le lycée, je veux faire un Ironman. C’est un accomplissement... Un dépassement de soi... », explique-t-il.
En 2013, lors d’un stage de médecine à Nice, j’ai découvert l’Ironman de Nice. Avec un ami, on s’est dit que c’était celui-là qu’il fallait faire. » L’ami ne sera pas au rendez-vous. «
Ça viendra ». Mais qu’importe... Tristan est lancé. «
J’ai commencé à m’entraîner. Cela faisait six ans que j’avais lâché le sport. Je n’en faisais plus que deux fois par semaine à La Citadelle. »
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Pour se convaincre qu’il peut le faire, Tristan commence avec un semi-Ironman à Vichy. Il y va sans entraînement, avec un vélo à pignon fixe, ceux qui n’ont qu’une seule vitesse. «
Ça m’a fait les jambes.» Nage 1 200 mètres alors qu’il s’est à peine entraîné sur 200 mètres. Du grand n’importe quoi. Mais il y arrive en cinq heures. « J
e me suis dit que c’était possible pour Nice. »
La journée pour étudier, la soirée pour suer
«
J’ai commencé à m’entraîner sérieusement. La journée, j’étudiais à la bibliothèque pour préparer l’internat. Le soir, je courais ou je faisais du vélo. » Il monte en puissance : dix heures par semaine, quinze heures, jusqu’à 25 heures en juin. Un jour sur deux, il pédale jusqu’à Comines, le mont des Cats, le mont noir... S’amuse parfois à aller manger une frite à Bray-Dunes, une plaisanterie de 185 kilomètres.
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Le reste du temps, il court à La Citadelle. Vingt kilomètres, parfois plus. S’entraîne à la piscine olympique Marx Dormoy. Fatalement, il finit par croiser la route du club Lille-triathlon qui s’intéresse à lui. «
Ils ont commencé à m’appeler Titan. Je sortais de nulle part et je faisais des grosses perfs’ », sourit Tristan. Coaché par Antoine Perche, il apprend la modération. «
J’en faisais trop à l’entraînement. Il m’a appris la gestion de l’effort, à atteindre « une intensité modérée.
Il m’a expliqué comment m’hydrater et se nourrir pendant la compétition. Sans ça, j’aurais fait n’importe quoi à l’Ironman. »
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Le 23 juillet, dans la troisième boucle de l’Ironman de Nice. Cette préparation et ces conseils feront la différence. «
Je me demandais ce que je foutais là. Le corps était à ses limites. Les cuisses se raidissent, la foulée se raccourcit. Le mental prend le pas sur le physique. » Ses huit potes de médecine, sa famille et sa copine lui hurlent son classement à chaque tour. Tristan sent qu’il continue sa remontée. De 490e à la sortie de l’eau, il s’est hissé jusqu’au top 10. L’euphorie le porte.
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«
Dans le dernier kilomètre, j’avais une émotion dingue. De la fierté... Un sentiment d’accomplissement... Je n’avais jamais ressenti ça. » Au passage de la ligne d’arrivée, un feu d'artifice d'émotions explose dans sa tête. Il s’écroule en larmes . «
Alors que je ne pleure jamais ! Mais c’était trop fort à ce moment. Je suis tombé à genoux. Je n’aurais jamais dû faire ça, je n’arrivais plus à me relever après ».
La suite ? Hawaï, forcément. Le billet est déjà pris. Le jeune homme cherche encore un sponsor pour faire baisser la facture. «
Je pense que je peux être sur le podium », assure-t-il tranquillement. Pour reproduire l’environnement de l’île volcanique, on lui a conseillé de faire du vélo d’appartement dans sa salle de bain avec les radiateurs à fond et une douche brûlante. Lui, ça le fait marrer. «
On m’a dit qu’en un an, ce n’était pas possible de se qualifier pour Hawaï. Maintenant, il y a des gens qui me voient champion du monde des moins de 24 ans. »
Pour l’Ironman de Nice, comme pour celui d’Hawaï, Tristan Beaufils organise une cagnotte pour l’association Petits Princes qui aide les enfants malades à réaliser leur rêve. Une cause qui le touche particulièrement, sa soeur Margaux ayant été atteinte d’un cancer en 2012. En rémission, elle vient de courir le marathon de Milan.