Binge drinking : quand ce sont vos neurones qui trinquent
Lucie Delorme,
4 min de lecture
12 juil. 2019,
Lucie Delorme,
4 min de lecture
12 juil. 2019,
C'est marrant comme on peut passer des années à se la coller le vendredi et le samedi soir en n'imaginant pas une seconde que ça pourrait avoir des conséquences vraiment pas glop sur son cerveau. L'équipe de Jean-Louis Nandrino, psychologue, chercheur au SCAlab et professeur à l'université de Lille, a mené une étude auprès de plus de 300 étudiants et sur leurs habitudes en matière de consommation d'alcool. On en a une bonne à vous raconter.
On vous prévient tout de suite, on n'est pas là pour faire la morale. On donne juste des faits, pour que tout le monde soit en mesure de prendre ses propres décisions en toute connaissance de cause. Reprenons.
Parfois, le vendredi soir, vous vous la mettez. Puis le samedi aussi. Et vous arrêtez de boire jusqu'au prochain vendredi (parfois, ça commence aussi le mercredi). Et ça dure comme ça toute l'année. "Le binge drinking, détaille Jean-Louis Nandrino, c'est le fait d'ingérer une imposante quantité d'alcool en un temps court... avec l'intention de se mettre la tête à l'envers. Ce sont ces trois éléments ensemble qui sont importants." Il en ajoute un quatrième : celui de ne pas parvenir à se sortir de ce système.
Avant, cette pratique qui touche 15% des jeunes de son étude, n'existait pas. Elle a démarré dans les années 1990, et son développement s'est même accéléré depuis 2015. Autre "fun fact" : elle ne concerne vraiment que les moins de 25 ans. "Après, il y a un changement de comportement lié à l'évolution du statut social", précise Jean-Louis Nandrino. C'est à dire que ce n'est pas vraiment un sport compatible avec le réveil à 7 heures pour aller bosser, voyez-vous.
Le chercheur insiste sur le fait qu'on ne devient pas binge-drinker quand tout roule dans sa vie. "Ce comportement vient pallier d'autres difficultés affectives. On va aller renforcer d'autres choses qui donnent satisfaction. On cherche à basculer dans un espace où l'estime de soi est meilleure."
L'un des gros problèmes qui en découle, c'est que votre cerveau, qui continue sa croissance jusqu'à vos 25 ans, en prend un bon coup. "On commence à boire de l'alcool tôt, et le cerveau est encore en maturation. L'alcool va attaquer les neurones directement." Deux conséquences fâcheuses : la "mort neuronale" et la "diminution du volume cérébral".
En d'autres termes, "ingérer beaucoup d'alcool au cours de cette période de croissance, aura un gros effet sur le développement neuronal". Et le binge drinking a de ça de vicieux que ce n'est pas seulement l'alcool qui attaque le ciboulot. Votre dimanche passé en PLS, en mode MacDo/comatage devant la trilogie Retour Vers le Futur, s'appelle un sevrage violent. "Quand vous arrêtez net de donner de l'alcool à votre cerveau, il se prend un gros clash." Là aussi, vous y perdez des neurones. Globalement, vous en sentirez les effets si vous ne savez plus prendre une décision, si vous avez la mémoire qui flanche un peu trop, ou si vous avez la capacité d'attention d'un enfant de quatre ans.
Et même si la majeure partie des binge-drinkeurs se calme passé 25 ans, une petite partie de la population va se retrouver confrontée à des comportements anormaux face à l'alcool par la suite. "Ceux qui ont commencé très tôt, qui ont fait très fort, et très vite sont les plus à risque." L'autre risque, plus direct et potentiellement plus radical, c'est celui de coma éthylique, précisons.
Oui. Bien sûr. "Il faut d'abord que les concernés aient cette information." Apprendre au détour d'un article qu'on a peut-être un comportement dangereux pour soi, ça peut être un début. "S'ils n'arrivent plus à diminuer la répétition de ce comportement, il faut chercher de l'aide." Et vous savez quoi ? Avec le concours de la Sécurité Sociale, on ne verse pas un centime à un médecin généraliste, qui sera le premier d'accord pour vous filer un coup de main. "Le problème, c'est qu'il y a une vrai stigmatisation de l'alcool. Si on a un problème avec l'alcool, on est faible, on ne sait pas se gérer, on est vicieux..." Alors qu'en fait, c'est une maladie. La bonne nouvelle, vu que c'est une maladie, c'est que ça se soigne. "Tout dépend du degré de motivation à changer de comportement."
Jean-Louis Nandrino compte bien reconduire une étude auprès des étudiants lillois sur le binge-drinking. Elle serait de plus grande ampleur, et peut-être même faite en collaboration avec d'autres universités françaises et belge. On vous dira quoi quand on saura quoi.
article écrit
par Lucie Delorme