Le CHU de Lille entre dans une nouvelle phase : celui où il va pouvoir se "réarmer" et faire souffler un peu les équipes pendant quelques semaines... avant de devoir répartir sur le front si un rebond épidémique se fait sentir. Plus les consignes du déconfinement seront respectées par la population, moins il y a de chance qu'il arrive vite et brutalement. Car si le CHU a réussi a gérer le premier pic, il prévient : refaire la même chose s'avérera compliqué.
"Tous, on attend que ça, de reprendre une vie normale. Mais il faut être réalistes et savoir prendre du recul." Le Dr. Julien Poissy, médecin réanimateur au CHU de Lille craint comme tout le reste du personnel de santé de voir le déconfinement de la population qui se veut "progressif" devenir "total". "Ce n'est pas un retour à la vie d'avant et quand on voit les marches de l'Opéra de Lille bondée ou la queue devant les centres commerciaux, ce n'est vraiment pas raisonnable."
Conscience individuelle pour tous
Pour rappel, le personnel du CHU de Lille est sur le pont depuis fin février. "On s'est adaptés bien avant le confinement et on l'a fait de manière plutôt sereine. Mais repartir dans cette configuration n'est ni souhaitable, ni forcément réalisable." Le médecin réanimateur tient à rappeler qu'il y a encore une trentaine de patients Covid dans son service. "Et 90% des lits non-Covid qui restent sont actuellement occupés pour d'autres pathologies." Le personnel est fatigué mais le repos pour le service réa', "ce n'est pas pour demain", conclut-il.
Il est donc impensable pour eux de revivre un pic épidémique aigu dans quelques semaines. Les rebonds ont toujours existé lors de grosses épidémies, tout le monde en est conscient. "Et on va cohabiter avec le virus pendant encore un moment", ajoute le Pr. Pruvot, président de la CME du CHU. Mais la clé pour ne pas se retrouver de nouveau tous en confinement avec un centre hospitalier en tension, "c'est le comportement de chacun et donc la responsabilité individuelle. Les gestes barrière et les nouvelles mesures de distanciation sociale mis en place doivent devenir des réflexes. Ici, la population a plutôt bien respecté le confinement et on espère qu'elle fera pareil avec ces nouveaux paramètres."
Montée en puissance des tests
L'autre clé pour un déconfinement réussi, on le sait, ce sont les tests, les tests et encore les tests. Le CHU de Lille est désormais en capacité d'en réaliser 3000 (PCR) par jour avec des résultats dans les 24 heures. Il ne les atteint pas encore mais se prépare aussi activement à tester son personnel (16 000 personnes) et les patients à risque ou qui doivent subir un acte chirurgical invasif.
Des équipes mobiles du CHU se déploient, prioritairement dans les Ehpad, et ont déjà réalisé 1900 tests PCR à ce jour. "Nous allons également agrandir le centre de prélèvements du centre hospitalier dès cette semaine pour l'ouvrir plus largement à la population", précise Frédéric Boiron, directeur du CHU de Lille. On ne parle pas ici de dépistage généralisé : il faudra une ordonnance pour s'y rendre si on est symptomatique ou si on a été en contact avec une personne diagnostiquée Covid.
Le Dr. Laurence Bocket, du labo de virologie du CHU, précise que les tests virologiques vont aussi être déployés à coté. Mais elle prévient : il n'y a encore assez de recul pour dire si avoir été contaminé protège ensuite du virus. "On accepte aussi de dire qu'on ne sait pas tout", ajoute le Dr. Poissy. De quoi remettre l'importance du maintien des mesures barrière et de distanciation sociale au cœur de la réussite de ce déconfinement. "De grâce, épargnez-nous une nouvelle crise", demande le Dr. Bocket.