"On fait de l'aide humanitaire" : la précarité étudiante a franchi un nouveau seuil dans la métropole lilloise
Lucie Delorme,
4 min de lecture
15 mai 2020,
Lucie Delorme,
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15 mai 2020,
On vous en parlait déjà il y a quelques semaines : le confinement a creusé encore un peu plus la précarité chez les étudiants. Aujourd'hui la situation a changé, en largement pire. A tel point de que l'Université et le CROUS distribuent des aides alimentaires d'urgence à 2000 étudiants. Les doyens des facultés ont écrit à la ministre de l'Enseignement supérieur pour réclamer des mesures fortes.
"L'élément qui nous a alertés, raconte la vice-présidente à l'université solidaire Emmanuelle Jourdan-Chartier, c'est quand les directeurs d'hébergement, qui sont fonctionnaires, pas militants, m'ont fait remonter une liste de 2000 noms." On reformule pour être clair : dans les résidences universitaires de la métropole lilloise, actuellement, 2000 étudiants n'ont plus le budget pour s'acheter à manger.
Ce sont ces étudiants qui n'ont pas eu l'occasion de fuir leur petit logement, parfois insalubre, pour aller vivre le confinement chez leurs parents, qui ont perdu leur emploi à cause de la crise, et qui ne sont pas en capacité d'avoir le moindre revenu en dehors des aides.
"Au début, en première vague, il y a eu ceux qu'on connaissait, qui étaient dans une précarité structurelle, poursuit Emmanuelle Jourdan-Chartier. Et en deuxième vague sont arrivés ceux qu'on ne connaissait pas parce qu'ils se sont toujours débrouillés autrement, en travaillant ou avec leurs parents. Et ça ne s'arrête pas, ce sont des vagues successives d'étudiants dans le besoin, et ça s'élargit au fur et à mesure. C'est très inquiétant." Le fonds d'aide déjà abondé de 500 000 euros il y a quelques semaines va être à nouveau renfloué. "Il servira à l'aide alimentaire et à financer des ordinateurs de prêt."
Une convention lie l'Université, le CROUS, le Secours Populaire et la Croix Rouge pour l'aide alimentaire. Les 2000 bénéficiaires récupèrent des colis alimentaires les jeudis et samedis sur les différents campus. "On voit arriver le mois de juillet, et on est tous très inquiets." C'est que les bourses s'arrêteront de tomber, laissant les étudiants sans aucun revenu. Pour les doyens de l'Université, c'est trop.
Les 24 responsables de facultés, écoles et instituts de l'Université viennent de signer une lettre ouverte adressée à la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal. Ils y dénoncent les conditions de vie désastreuses des résidents de Galois, Bachelard et Camus (humidité, cafards, punaises de lit, sanitaires HS...), relatent les angoisses des étudiants de ne pas savoir payer le loyer... et terminent par trois demandes :
"La présidence est en accord total avec les doyens, assure Emmanuelle Jourdan-Chartier. On est exactement sur la même ligne." Est-ce que leurs demandes suffiront à endiguer la crise ? "Je ne sais pas si ce sera suffisant, mais c'est absolument indispensable. Et ça nous permettrait de faire de l'aide sociale et non plus de l'aide humanitaire. Parce que c'est bien ce qu'on fait : de l'aide humanitaire."
La réponse de la ministre est attendue avec impatience. Des associations étudiantes comme Agir pour les étudiants ou l'UNEF ont émis les mêmes demandes.
Le temps presse pour ces étudiants entrés en mode survie. D'autant que fin juin, l'Université est supposée fermer ses portes. "On ne va pas les abandonner, assure Emmanuelle Jourdan-Chartier. On ne va pas les laisser mourir de faim." La VP a un message à leur faire passer : "Qu'ils nous appellent. Personne ne doit hésiter à nous appeler, à en parler à un prof, au CROUS, à un ami qui peut l'aider. Je suis admirative de leur courage. Ils continuent à être étudiants, à travailler. Dans des conditions aussi difficiles, je dis chapeau."
Si vous êtes en difficulté, vous avez tout un tas de chemins possibles :
article écrit
par Lucie Delorme