[Flashback] Viviane Romance, la Roubaisienne devenue icône du cinéma et de la séduction
Justine Pluchard,
7 min de lecture
14 fév. 2022,
Flashback
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C'est la Saint-Valentin aujourd'hui alors parlons Romance, parlons Viviane. Vous l'avez compris, ce n'est pas d'un couple amoureux dont on va causer mais d'une grande actrice française née à Roubaix au début du XXe. Danseuse au Moulin Rouge, Miss Paris déchue, actrice puis productrice, on vous raconte ici les mille et unes vies de Pauline Charpiot Ortmans, A.K.A. Viviane Romance"la vamp du cinéma français".
Nous sommes le 4 juillet 1912, à la maternité Boucicaut de Roubaix. L'établissement a été ouvert à la fin du XIXe pour accueillir les filles-mères et c'est le cas de celle qui donne naissance à la petite Pauline ce jour-là. Elles repartent vite à Lille car la jeune mère y travaille comme infirmière. Quant au père, un ancien militaire, il est absent et ne la reconnaîtra que plusieurs années plus tard. En attendant, elle s'appelle donc Pauline Charpiot, du nom de sa mère, et est placée en nourrice où elle connaît la faim et la misère.
Pauline s'épanchera peu sur son enfance une fois adulte. Mais on sait que très jeune, elle va trouver sa mère pour lui annoncer qu'elle sera actrice : elle vient de voir Arènes Sanglantes au ciné et , pour elle, c'est la révélation. À 13 ans, l'élève médiocre qu'elle est et qui travaille déjà à l'usine quitte le Nord pour rejoindre la capitale. Pauline espère y faire carrière devant la caméra mais c'est sur les planches du théâtre Sarah-Bernhardt qu'elle va faire ses premiers pas.
Paris, ville de Romance
La vie parisienne lui réussit plutôt bien : dès 14 ans, elle parvient à rejoindre la troupe du Moulin Rouge. La légende raconte qu'elle s'y embrouille avec la fameuse Mistinguett : notre Pauline, qui se fait alors appeler Viviane Horty, gifle la meneuse de revue qui lui aurait mal parlé. C'est elle qui est virée mais elle s'est quand même fait remarquer. Elle se fait alors embaucher au Bal Tabarin où elle danse le French cancan.
À 16 ans, elle arrête la danse pour passer à l'opérette et joue aussi dans des pièces du théâtre de boulevard. Un journaliste la rebaptise alors Viviane Romance et cette dernière commence à se faire remarquer pour sa beauté : la jeune et belle brune aux yeux expressifs parvient même à 18 ans à se faire élire Miss Paris. Mais elle fait surtout parler d'elle lors de sa destitution quand le comité apprend qu'elle est enceinte... Pire, elle n'est pas enceinte de son mari, elle n'en a pas. Qu'importe : au moins on parle d'elle.
Sa fille Michèle nait cette année-là, tout comme sa carrière d'actrice de cinéma. Bon, on ne parle pas encore de star, loin de là. Mais elle enchaîne tout de même dès 1931 les petits rôles avant de se faire remarquer pour la première fois en 1935 dans Princesse Tam Tam où Joséphine Baker tient le rôle principal. C'est surtout sa rencontre avec le réalisateur Julien Duvivier qui va faire décoller sa carrière. Il est de Lille, elle est née à Roubaix, ça joue toujours dans le milieu parisien. Duvivier a aussi du flair et remarque autant sa plastique que son jeu d'actrice.
Vamp un jour, vamp toujours
Après l'avoir fait jouer dans La Bandera aux côtés de Jean Gabin, il lui offre le premier rôle féminin de son prochain film sorti en 1936 : La Belle Equipe. Viviane y campe Gina, une femme fatale qui va mettre à mal l'amitié entre deux hommes qui tiennent ensemble une guinguette. Le critique de L'Echo de Paris dira à l'époque que "par sa beauté captivante, son jeu vrai, intelligent, ses regards expressifs (elle) gagne ici ses galons de star". Tout est dit : tout le monde sait désormais qui est Viviane Romance.
Dites-vous qu'avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, elle est plus connue que Michèle Morgan ou Danielle Darrieux. Elle refuse même un contrat à Hollywood mais enchaine cinq à six films par an, en France et en Italie. Le seul problème, c'est qu'elle est cantonnée à un seul et même rôle : celui de la vamp, de la femme fatale, de la séductrice invétérée. Autant vous dire que quand la guerre éclate, ces rôles féminins n'ont pas bonne presse.
On pourrait dire que c'est tant mieux pour elle : Viviane va enfin pouvoir s'essayer à d'autres rôles et montrer l'étendue de son talent. Sauf que dans l'imaginaire du public, elle est la Gina de La Belle Equipe et c'est tout. Les rôles qui la sortent de ce cadre de séduction apparaissent à contre-emploi, peu importe le talent d'actrice qu'elle y met. Sa carrière décline doucement mais sûrement.
Pendant l'occupation, elle refuse de tourner pour Continental, une société de production cinématographique française... financée par les Allemands. Elle cède pourtant sur ses principes en 1942 pour aller faire une tournée en Allemagne nazie avec d'autres artistes français. Ce qui lui vaudra quelques jours de prison à la Libération...
"Produit artificiel"
Fin de la guerre, retour devant la caméra pour Viviane. Et qui de mieux que Julien Duvivier, le réalisateur lillois qui a fait d'elle une star, pour retrouver sa carrière d'antan ? Dès 1946, elle est à l'affiche de Panique avec Michel Simon pour partenaire. Mais rien n'y fait, le public n'est plus au rendez-vous. Viviane deviendra productrice à partir de 1949 et continuera de jouer sans grand succès dans une vingtaine de films jusqu'en 1974.
Lors d'une interview en 1961, elle explique qu'elle n'aime pas Viviane Romance, ce personnage qui est avant tout "un produit artificiel" à ses yeux. "Un produit artificiel dont je suis responsable en partie... Je me suis trahie moi-même et aussi j'ai été trahie", confie-t-elle tristement. Enfermée dans ce personnage de garce, elle explique au journaliste qu' "on fait croire que le fait d'être une actrice, une vedette, encore plus d'être une vamp, assure un bonheur parfait et c'est faux." "Vous regrettez de ne pas être un homme ?", la questionne alors le journaliste. Sa réponse : "Oui".
Pauline Ortmans est décédée le 25 septembre 1991 d'un cancer à Nice. Selon l'historienne Isabelle Baudelet, Viviane Romance est "la femme la plus giflée du cinéma français" mais c'est surtout "une femme fascinante" dont la grande beauté a été autant source de gloire que de frustration. En 1986, elle avait d'ailleurs publié ses mémoires intitulées Romantique à mourir.