Mois sans tabac : le sevrage féminin, un double parcours du combattant
Mathilde Dolinger,
5 min de lecture
26 oct. 2022,
Mathilde Dolinger,
5 min de lecture
26 oct. 2022,
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Se sevrer en tant que fumeur, c'est déjà compliqué. Mais quand on a en plus un métabolisme féminin et des injonctions sociales qui collent à la peau, c'est la double peine car la difficulté augmente d'un cran. On vous explique tout ça avec un addictologue-tabacologue spécialisé dans le sevrage féminin.
Commençons par quelques chiffres. Car si aujourd'hui on vous parle de sevrage féminin, c'est parce que l'augmentation du nombre de fumeuses a bondi ces trente dernières années (+75%). Et avec elle, le nombre de cancers du poumon liés à la clope (+73% de décès) et d'infarctus. À titre de comparaison, chez les mecs, la conso de tabac a diminué (-6,3%) tout comme le nombre de cancers du poumon liés au tabac (-15% de décès).
Mesdames, messieurs et tous·tes celleux entre les deux, il y a donc urgence. Il est temps de passer en mode sevrage...Même si c'est vrai que quand vous êtes de sexe et/ou de genre féminin, l'exercice est plus difficile.
La distinction sexe et genre est importante, car les difficultés sont liées non seulement au métabolisme (coucou les cours de SVT) mais aussi aux comportements genrés dictés par la société. Et si ce papier concerne majoritairement les femmes cis (assignées femmes à la naissance et qui se définissent encore comme telles aujourd'hui), il concerne aussi les personnes non-binaires et trans.
Maintenant que les bases sont posées, rentrons dans le vif du sujet.
Commençons par les difficultés de sevrage liées à la biologie. "Avec un métabolisme lent, c'est plus facile d'arrêter de fumer, explique Sylvain Balois, addictologue et tabacologue. Sauf que les femmes ont un métabolisme plus rapide que les hommes, donc c'est plus dur."
Pourquoi ? Parce qu'un corps féminin a une concentration importante d'œstrogènes (encore plus avec la contraception). Et guess what, ces hormones accélèrent le métabolisme qui élimine donc plus vite la nicotine du corps. Ce qui veut dire que les concerné·es ont envie d'une nouvelle dose plus rapidement.
Autre difficulté d'arrêt : les chiffres sur la balance. "Beaucoup de femmes ne veulent pas arrêter de fumer par risque de prendre du poids au moment du sevrage", continue le médecin. Elles sont aussi plus à risque de reporter leur arrêt et de rechuter à cause de ça". Et comme vous le savez, les injonctions liées au corps féminin ont la peau dure, au point de se dire que se bousiller les poumons c'est mieux que de passer du 38 au 40.
"Les femmes vont avoir tendance à commencer à fumer pour réduire le stress et gérer davantage l’anxiété, alors que les hommes le font plus par habitude et pour l'effet psychoactif positif de la cigarette", explique Sylvain Balois.
Résultat, c'est la peur de stresser sans la clope qui les freine à se sevrer. "Sauf que c'est un cercle vicieux : elles fument parce qu'elles sont stressées et quand elles sont en sous-dosage, elles stressent à nouveau", continue l'addictologue. Et ce postulat marche aussi pour la déprime, voire la dépression, qui touche plus les femmes.
Pour ce qui est des injonctions genrées, on vous a parlé de la prise de poids, mais il y a aussi le fait que les jeunes filles sont plus influencées par la pression sociale et qu'encore pas mal de Français·es associent une fumeuse à une femme libre... Et "beaucoup d'entre elles voient leur tabagisme comme moins risqué, explique Sylvain Balois. Mais c'est parce que la sensibilisation aux problèmes cardio-vasculaires est moins réalisée auprès de ce public. Tout comme le fait qu'on leur pose moins de questions liées à leur consommation de tabac."
Pour la petite histoire, il a quand même fallu attendre les années 60 pour qu'on arrête de ne prendre que les hommes cis blancs comme uniques sujets d'études médicales.
Bon. Ce n'est pas parce que c'est plus difficile qu'il faut abandonner votre sevrage avant d'avoir commencé. Il y a quand même moyen d'y arriver. Mais il faut mettre toutes les chances de votre côté. "Une femme a 31% plus de chances de réussir à se sevrer si elle prend des substituts médicamenteux". C'est-à-dire un traitement de fond avec des patchs par exemple, qui s'accompagne de pastilles, gommes, spray, inhalateur ou encore comprimés à mettre sous la langue.
Et pour vous motiver, sachez que si une femme arrête de fumer avant ses 30 ans, elle réduit considérablement ses risques cardio-vasculaires et de cancer. "Plus tôt les gens arrêtent de fumer, mieux c'est", termine maître Yoda, Sylvain Balois.
Et sinon l’opération “Mois sans tabac” démarre en novembre. Vous pouvez être aidé·e et suivi·e par des spécialistes, avoir le soutien de gens qui arrêtent comme vous et recevoir un kit d’aide via les appli Android et iOS ou le site Tabac Info Service.
Article sponsorisé @ARS_Hauts_de_France
article écrit
par Mathilde Dolinger