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[Flashback] Pierre Dubreuil, le grand photographe lillois oublié

Justine Pluchard 6 min de lecture
20 nov. 2022, Culturons-nousFlashback

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On peut être mondialement connu de son vivant pour son art et, même pas un siècle après sa mort, être devenu un quasi inconnu jusque dans sa ville d'origine. C'est un peu le destin de Pierre Dubreuil, grand photographe, né il y a 150 ans à Lille. On vous raconte son histoire, sa carrière et son originalité à l'occasion de la rétrospective que lui consacre en ce moment même le palais des Beaux-Arts de Lille.

De Gaulle, tout le monde sait qu'il est né dans le Vieux-Lille. On est beaucoup moins à savoir que quelques années avant lui, un grand artiste a aussi vu le jour dans la même ville. C'était il y a pile 150 ans, en 1872 et il s'appelait Pierre Dubreuil.

Le petit Pierre vient d'une famille aisée qui bosse dans le commerce du papier peint.  À seize ans, il entre au collège Saint-Joseph, à l'angle de la rue Solfé et du boulevard Vauban (l'actuel collège Saint-Paul). Et c'est au même âge qu'il découvre un art en plein essor à l'époque : la photographie. Les appareils-photo sont en train de devenir portatifs et l'adolescent en reçoit un en cadeau.

Tableaux photographiques

Mais Pierre Dubreuil ne tombe pas amoureux de l'objet mais bien de l'art. Les progrès de la technologie permettent de démocratiser la photo sauf que le jeune Lillois penche très vite vers le pictorialisme. C'est un courant artistique qui met justement en avant le caractère esthétique de la photographie : ceux et celles qui y adhèrent veulent montrer que photographier ne consiste pas uniquement à reproduire une réalité. Comme la peinture, une photographie peut être une œuvre d'art avec une vision précise de son artiste derrière.

"Etudions beaucoup et surtout persévérons, ce sera là notre devise et le seul moyen d'arriver au but que nous recherchons : faire de toutes nos photographies de véritables œuvres d'art." Ces mots sont du Pierre Dubreuil de 28 ans. On est alors en 1900, et il a déjà sa petite réputation à Lille et même à Paris où il s'est fait connaître en exposant cinq de ses œuvres au Photo-Club de la capitale.

Ça fait aussi presque dix ans qu'il fait partie de la société photographique de Lille où il multiplie les rencontres et collaborations. Il donne des cours, organise des expos, rédige un bulletin Nord Photographe et aide à créer d'autres sociétés photographiques dans le coin. Bref, il ne chôme pas et vit pour la photo.

Around the world

Sa renommée et son attrait pour les nouvelles techniques vont même le pousser hors de France. En 1901, il part quelques temps puiser l'inspiration à Londres. Et en profite pour se faire élire membre du grand Linked King Brotherhood : une société anglaise qui promeut la photo à la fois comme art mais aussi comme science. Quand il revient dans le Nord, c'est du côté de La Madeleine qu'il se réinstalle en faisant construire un cottage dans le pur style architectural anglais sur l'avenue Sain-Maur.

Il le quitte quelques années plus tard, vers 1908, pour migrer vers Paris. Mais il revient finalement à Lille deux ans après (comme tous les Ch'tis qui partent à la capitale en fait). Il perfectionne son art et, surtout, démontre un avant-gardisme qui est reconnu jusqu'aux Etats-Unis. En 1910, il envoie carrément douze tirages à Alfred Stieglitz, très célèbre photographe américain. Un culot qui paie puisque la moitié sera exposée à la grande expo internationale pictorialiste de Buffalo. Voilà notre Pierre connu mondialement.

Guerre, pillage et flou

Et puis arrive autre chose de mondial : la Grande Guerre de 14-18. Le Lillois arrête tout simplement la photographie à partir de ce moment là. Il est enrôlé comme ambulancier et ne peut empêcher le pillage de son atelier lillois par les soldats allemands. Il faudra alors attendre 1923 pour qu'il reprenne un appareil photo entre les mains.

Là, fini le pictorialisme. Et finie la France aussi. Le photographe migre en Belgique et s'installe à Bruxelles dès 1924. Il y ouvre un bureau de tabac pour joindre les deux bouts tout en continuant la photographie. Son art s'imprègne alors du surréalisme belge de l'époque et il s'essaie au rendu flou qu'il aime appeler "enveloppement". Il reste quand même bien connu dans le monde artistique et devient d'ailleurs président de l'association belge de photographie et cinématographie en 1932. On continue de l'exposer même outre-Manche mais la guerre vient de nouveau frapper sa carrière en plein vol.

Seul, malade et sans argent, il se résout en 1943 à vendre ses négatifs et archives photographiques à l'entreprise belge Gevaert. Une très mauvaise idée pour la postérité puisque cette dernière se fait bombarder quelques temps après. Son travail d'une vie disparu, le Lillois s'éteint l'année suivante, à Grenoble, à l'âge de 71 ans.

La rétrospective lilloise

Original, avant-gardiste, novateur, singulier, précurseur, moderne, provocateur, controversé... Tous ces adjectifs peuvent définir Pierre Dubreuil. On vous invite plus que grandement à aller en découvrir plus sur sa vie et son œuvre au Palais des Beaux Arts de Lille. Le musée y expose jusqu'au 27 février 2023, soixante-quatorze de ses tirages à l'occasion des 150 ans de la naissance du photographe à Lille. Une rétrospective uniquement possible grâce à un collectionneur américain, Tom Jacobson.

Ce dernier a fait don non pas d'originaux mais d'épreuves modernes tirées des diapositives de Dubreuil des années 1930 avant que ses négatifs ne soient perdus. Baptisée "Tableaux photographiques", l'expo retrace chronologiquement la carrière du Lillois qui a souvent décontenancé son époque par certaines de ses photos. Un parcours oublié qui ne l'est plus vraiment désormais.

"Pierre Dubreuil, Tableaux Photographiques", c'est à découvrir jusqu'au 27 février 2023 aux Beaux-Arts de Lille. L'accès à l'expo est compris dans le billet d'entrée.

Pour écrire cet article, on s'est basé sur :

  • l'expo consacrée à l'artiste au PBA de Lille
  • cet article de La Voix du Nord
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par Justine Pluchard

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