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[Flashback] Les 100 ans d'histoire mouvementée de l'Opéra de Lille

Justine Pluchard 6 min de lecture
22 oct. 2023, Flashback

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Cette année, l'Opéra de Lille fête un double anniversaire : les 100 ans de son inauguration officielle et les 20 ans de sa réouverture. C'est donc bien évidemment l'occasion rêvée de se replonger dans son histoire riche en talents et en musique mais aussi en incendies, en fermetures ou en occupations allemandes.  
Comme tout bon opéra, l'histoire de ce bâtiment emblématique de Lille est pleine de rebondissements. Et dès le début, le ton est donné puisque tout commence avec un spectaculaire incendie...

5 avril 1903

On est le 5 avril 1903, en fin de soirée, place du Théâtre dans le centre de Lille. L'endroit porte bien son nom car c'est là que se dresse depuis 1785 le théâtre Lequeux. C'est un bel édifice muni d'une salle de 1500 places et, ce soir-là, on vient justement de finir d'y jouer une opérette et un drame lyrique. Des artistes on traîné après les représentations en allant boire quelques godets dans les bars d'en face. Vers 1h du mat', ils sentent une drôle d'odeur de fumée...
Théâtre Lequeux. Archives La Voix
Théâtre Lequeux. Archives La Voix
L'alerte est donnée : un incendie s'est déclaré dans la fosse de la salle et il est déjà hors de contrôle. Les pompiers débarquent rapidement pour inonder le bâtiment mais rien n'y fait. À 3h45, le brasier est encore impressionnant dans le centre ville et on craint même pour les habitations autour. Le lendemain, on ne peut que constater les dégâts : Lille n'a plus de théâtre.

Sauf que non, la capitale des Flandres ne peut pas se passer d'un tel lieu culturel. Alors la mairie ne lambine pas : pendant qu'on déblaie et qu'on réfléchit au futur nouveau grand théâtre lillois, on en construit un provisoire en 103 jours à plusieurs rues de là. Son petit nom ? Le théâtre Sébastopol. Il n'aura rien d'éphémère mais ça, c'est une autre histoire qu'on vous raconte juste ici
Le Sébastopol. Archives La Voix
Le Sébastopol. Archives La Voix

1906-1909

Il faudra attendre l'automne 1906 pour que le nouveau maire élu deux ans plus tôt, Charles Delesalle, propose de reconstruire un théâtre en plein centre. Ce projet s'inscrit dans une idée plus large de redynamiser le centre ville en attirant, entre autres, les familles bourgeoises du coin. L'objectif est de décaler un peu le futur théâtre sur l'arrière de la place pour qu'il soit à la jonction des lignes de trams. La mairie propose en même temps la construction de la nouvelle Bourse juste à côté et la percée du boulevard Carnot. 

Pour ça, il va falloir faire deux choses : trouver un architecte, du coin si possible, et raser pas mal d'habitations. Le concours pour le nouveau théâtre est lancé un an plus tard, en 1907 et c'est Louis-Marie Cordonnier qui rafle la mise. On le connaît déjà à Lille pour sa rénovation de la Porte de Paris, et c'est aussi celui qui a été choisi pour concevoir la nouvelle Bourse à côté. 

On démarre les travaux en 1909 pour édifier ce bâtiment inspiré de l'Opéra Garnier de Paris avec une ouverture pour l'automne 1914. Mais la Première Guerre mondiale va venir chambouler le calendrier 

Louis-Marie Cordonnier.
Louis-Marie Cordonnier. (Bibliothèque de Lille / Wikicommons)

6 juin 1916 7 octobre 1923


Quand les Allemands débarquent à Lille, le nouveau théâtre n'est pas terminé alors c'est le Sébasto qui accueille les premiers spectacles sous l'occupation. Mais en 1915, il est question de terminer ce fameux Grand Théâtre qui en jette quand même. En décembre de la même année, un soldat se serait même introduit dans le bureau de l'architecte pour voler des documents. Car ce ne sont pas les Lillois·es qui vont finir le chantier  mais une équipe d'un soixantaine de soldats allemands.

Et comme il manque énormément de matériaux (on est en guerre quand même), ils vont tout simplement aller déshabiller le Sébasto pour habiller le Grand Théâtre. Fun fact : les sièges de la grande salle devaient à l'origine être bleus mais ceux du Sébasto étaient rouges et on a conservé cette couleur depuis.
Les Allemands l'inaugurent donc le 6 juin 1916 avec une pièce allemande bien entendu. Jusqu'à leur départ précipité en 1918, les Allemands ont surtout fait jouer un répertoire dans leur langue mais aussi en italien et en français. Les Lillois·es ont d'ailleurs été autorisé·es à venir profiter des spectacles rapidement. Mais impossible de savoir qui y allait vraiment dans les faits.

L'inauguration française, elle, n'aura lieu que le 7 octobre 1923, il y a tout juste 100 ans. Et on le qualifie déjà à ce moment là d'un des "plus beaux théâtres de France". 

31 mars 1963

On va accélérer un peu. On vous passe un peu les années 20 et 30 et la re-occupation du théâtre pendant la Seconde Guerre mondiale : bienvenue dans les sixties où les sopranos viennent performer à Lille. Le lyrique a toujours une place de choix mais l'époque est aussi à la variété française. Et c'est au Grand Théâtre qu'on vient écouter en concert Brassens ou Brel. La grande Edith Piaf y donnera son ultime concert. On est le 31 mars 1963, la chanteuse est venue avec son orchestre et ses proches malgré la maladie.
Edith Piaf. Archives La Voix
Edith Piaf. Archives La Voix
Elle ne remontera plus jamais sur scène après ça et mourra quelques mois plus tard. Elle aurait confié dans une interview de 1952 qu'elle était "toujours émue de revoir Lille". 

9 décembre 2003

Des menaces de fermeture, le grand théâtre en a connu un paquet dans son histoire. Et i la même connu cette sentence plusieurs fois. Comme lors de la fin de l'Opéra du Nord, le collectif monté entre Lille, Roubaix et Tourcoing en 1979 mais qui pour des raisons politiques et budgétaires périclite dès 1985. En 1986, tout le monde est licencié et le choc est terrible dans le monde de la culture lilloise. 
Orchestre de l'Opéra du Nord. Archives La Voix
Orchestre de l'Opéra du Nord. Archives La Voix
En 1989, l'adjointe à la culture rouvre les portes de l'Opéra de Lille. La programmation est timide au début mais la scène lilloise reprend tout doucement du poil de la bête. Sauf qu'en 1998n le bâtiment ne répondrait plus aux normes de sécurité. La mairie ferme le lieu et des travaux doivent être entrepris. Lille n'a plus d'Opéra.

Il faudra attendre le 9 décembre 2003 après une grosse rénovation pour retourner s'émerveiller là-bas. Une résurrection qui dure depuis 20 ans désormais.

Pour écrire cet article, on s'est longuement entretenu avec Raphaëlle Blin, dramaturge, musicologue mais aussi à l'origine du livre "Une maison d'opéra au XXe siècle. Opéra de Lille 1923-2003". C'est un livre richement documenté qui vient de sortir aux éditions Snoeck et dispo à l'Opéra et en librairies. 
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par Justine Pluchard

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