Aéroport de Lille-Lesquin, des restrictions seront mises en place pour les vols de nuit
Aurore Garot,
6 min de lecture
21 jan. 2025,
Dans la rue
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Une étude d'impact a évalué quatre scénarios restrictifs, pour limiter les nuisances sonores de l'aéroport Lille-Lesquin la nuit. Couvre-feu, interdiction de certains aéronefs trop bruyants... Il pourrait y avoir moins - voire plus du tout - de vols de nuits dans les années à venir. On fait le point.
Nantes, Avignon, Beauvais... plusieurs aéroports sont soumis à un couvre-feu la nuit. Mais pas (encore) celui de Lille-Lesquin. Pourtant il engendre lui-aussi des nuisances sonores et provoque une levée de bouclier des riverain·es ainsi que d'élu·es de la MEL qui réclament la fin du trafic aérien entre 22h et 6h du matin.
Après l'enquête publique sur l'extension de l'aéroport, Clément Beaune, le ministre des Transports de l'époque,a demandé en 2022 l'élaboration d'une étude d'impact par un cabinet spécialisé dans ce genre d'étude (CGX). "C'est un cabinet indépendant", assure Pierre Molager, le secrétaire général de la préfecture du Nord.
L'étude a été menée entre février 2023 et aujourd'hui. L'objectif : tester quatre scénarios impliquant pour chacun une restriction particulière du trafic nocturne, avec une approche coûts-bénéfices. "C'est une étude multicritère qui permet de voir quels sont les effets en termes de nuisances sonores, les impacts socio-économiques de l'aéroport, les entreprises de la plateforme et du territoire", indique Julie Canabel du cabinet.
Les quatre scénarios
Maintenant, passons à ce qui vous intéresse le plus : les scénarios.
Scénario 1 : interdiction de vols de certains avions trop bruyants entre 22h et 6h
Scénario 2 : interdiction d'atterrissage de certains avions trop bruyants entre 22h et 6h
Scénario 3 : mise en place d'un couvre-feu "de programmation"
entre 23 h 30 et 6 h, aucun vol ne peut être planifié sur ce créneau, mais la porte reste ouverte pour gérer des retards
Scénario 4 : mise en place d'un couvre-feu total entre 23h30 et 6h
Bien sûr, les restrictions ne s'appliquent pas sur les vols militaires, sanitaires ou de détresse
Scénario 1 privilégié
Selon le cabinet CGX, le scénario 1 "semble constituer la piste de travail la plus équilibrée", entre l'objectif acoustique et les impacts socio-économiques. "Les compagnies devront s'adapter. Certains ont des aéronefs plus performants dans leur flotte mais pas à Lesquin, mais il y a d'autres opérateurs pour qui ça sera plus difficile", indique Julie Canabel qui parle d'une seule compagnie qui n'a pas du tout d'avions adéquats.
Quid du scénario 4, plus performant en termes de réduction du bruit et réclamé par les riverain·es ? "Les compagnies cherchent à exploiter au maximum leurs aéronefs. À partir du moment où on réduit la plage d'exploitation, on va réduire la marge pour les compagnies aériennes installées et être moins séduisants pour en attirer de nouvelles. Il y aurait des retombées socio-économiques importantes sur le territoire."
Pour le collectif Les Survolés qui rassemble sept associations de riverain·es, le scénario du couvre-feu total reste la priorité. "On sent bien avec cette étude, qu'on est sur un débat d'entreprises, critique Antoine Pacini du collectif qui refuse le scénario 1 et qui définit l'étude comme étant 'opaque'. Il n'y a pas eu d'étude sanitaire, c'est balayé d'un revers de la main. On ne sait pas sur quelles données ils se sont basés pour donner ces chiffres et on ne connaît pas leurs calculs. D'après nos chiffres, ce scénario ne concerne qu'un petit nombre d'avions par nuit."
Les prochaines étapes
Si le collectif a l'intention de faire une sorte de contre-étude avec d'autres chiffres et d'autres propositions (notamment des révisions de trajectoires), un agenda prévisionnel est d'ores et déjà annoncé. S'il n'y a pas de retard,l'arrêté ministériel sera appliquéfin mars 2026, avec l'un des scénarios annoncés (pas forcément celui recommandé par le cabinet).
Mais avant ça, le préfet devra se positionner sur l'un d'entre eux pour préparer un arrêté préfectoral. Une consultation publique aura ensuite lieu et l'avis de l'ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires) sera aussi pris en compte. Mais au final, ce sera le Ministère des Transports qui aura le dernier mot.
Pour aller plus loin
Si l'étude vous intéresse, on vous file quelques détails supplémentaire. Déjà sur la méthodologie, voici quelques élements importants :
Elle ne concerne que les mouvements (atterrissages et décollages) effectués la nuit, entre 22h et 6 du matin.
La projection s'étend jusqu'à 2029 (mais avec une application sur le court-moyen terme) en se basant sur le trafic en 2019, qui a fortement diminué depuis (1050 vols de nuits en 2024 contre 1 560 en 2019).
Pour faire son diagnostic, le cabinet indique avoir pris en compte "les éléments fournis par les consultations des différentes parties prenantes", à savoir les associations de riverains et de protection de l'environnement, les élu·es, les acteur·ices économiques du territoire et de la plateforme aérienne et l'aéroport.
Elle a été faite sur-mesurepour correspondre à la situation de Lille-Lesquin. C'est-à-dire que des indicateurs normés et moyennés (qui ne correspondent pas au "ressenti" des riverains) ont été adaptés pour cette étude.
Les scénarios qui permettraient de "superformer par rapport à la réduction de bruits et qui coûte très cher" ont été exclus d'office.
L'interdiction du scénario 1 concerne les aéronefs de marge acoustique inférieure à 15 EPNdB*. L'interdiction du scénario 2 concerne les atterrissages avec un niveau de bruit certifié à l'approche supérieure à 96 EPNdB.
Voici la synthèse des résultats :
@CGX AERO2024
Petit point vocabulaire :
EPNdB (bruit effectif perçu en décibels) est une unité normalisée et européenne qui mesure à quel point un avion est bruyant lorsqu'il passe. Elle prend en compte l'intensité sonore, mais aussi comment l'oreille humaine perçoit ce bruit, en fonction de sa durée et de ses variations.
Cœur de nuit : de 00h à 6h
HSD : nombre de personnes impactées par de fortes perturbations du sommeil. Il s'agit d'un indicateur issu de la directive européenne. Le périmètre retenu pour cet indicateur est le même que pour la population impactée (Ln>40dB).