La nouvelle est historique pour Lille. Martine Aubry a annoncé ce jeudi 6 mars 2025 sa démission en tant que maire de la capitale des Flandres et de ses fonctions à la MEL. À la tête de la ville depuis 2001, la socialiste souhaite laisser sa place à Arnaud Deslandes à partir de mi-mars.
Les rumeurs de sa démission hantaient les couloirs de la mairie et des rédactions depuis de longs mois. C'est désormais une certitude : Martine Aubry ne finira pas son quatrième mandat en tant que maire de Lille. À 74 ans, la socialiste à la tête de la ville depuis 2001, a annoncé sa démission. "Depuis le début je m'étais dit qu'il faudrait réussir à partir un an avant les élections municipales. Il est temps de passer la main à la nouvelle génération", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse organisée à la Gare Saint-Sauveur ce jeudi 6 mars 2025.
"Je souhaite que le conseil municipal, qui devrait se tenir le 21 mars, élise maire le premier adjoint Arnaud Deslandes", pour qu'il prenne le relais, jusqu'aux élections municipales de mars 2026. Je suis convaincue que, après un an, les Lilloises et Lillois auront envie de le conserver comme maire. »
Celle qui quittera ses fonctions à la mairie de Lille et de la MEL "avec un pincement au cœur" ne compte pas mettre un terme à sa vie politique pour autant. "Je veux participer à ce renouveau des idées de gauche quand je le jugerais utile", a-t-elle confié lors de la conférence de presse. Mais "ça fait un moment que je pense que l'intérêt de la ville est de laisser place à cette nouvelle génération. J'ai préparé ma succession", reconnaît-elle.
Une carrière nationale avant d'être locale
Plusieurs adjectifs ont défini Martine Aubry en tant que maire : "bonne vivante", "toujours solide", "travailleuse" par ses ami·es, "têtue et obstinée" voire même "autoritaire" par ses adversaires. « Je dis les choses directement. Il faut savoir trancher. [...] Je suis dure avec les puissants et douce avec les faibles », avait-t-elle déclaré il y a plusieurs années.
Celle qui a troqué sa casquette de Parisienne pour devenir une figure emblématique de Lille, compte quand même 35 ans de carrière politique. Membre du Parti socialiste depuis 1974, elle est passée par plusieurs fonctions importantes au niveau national :
- Ministre du Travail entre 1991 et 1993
- Ministre de l'Emploi et de la Solidarité entre 1997 et 2000
- C'est à cette période qu'elle obtient le surnom de "dame des 35 heures" en participant à la mise en place de la loi
- Première Secrétaire du Parti socialiste, entre 2008 et 2012
- Première femme à occuper ce poste
24 ans à la tête de Lille
"Lille était considérée comme la capitale triste d'une région en crise, ou bien une ville à deux vitesses. Qui aurait pu croire que Lille serait devenue une ville où on vit bien", proclame Martine dans son bilan, admettant que "tout n'est pas parfait."
Son aventure lilloise a commencé en 1995 en tant que première adjointe de Pierre Mauroy. En 2000, elle a abandonné son poste de ministre de l'Emploi pour se concentrer sur les élections municipales de Lille l'année suivante, qu'elle a remportées à 49,6% en s'alliant aux Verts, devant la première femme maire de Lille. "Quand on fait de la politique, c'est bien d'avoir l'occasion, comme cela a été mon cas, de prendre des décisions à l'échelle du pays, mais il est aussi important de pouvoir repartir sur le terrain […] Il y a des visages derrière les problèmes", a-t-elle déclaré en 2000.

Elle est ensuite réélue en 2008 haut la main avec 66,6 % des voix (en partie grâce à son alliance avec Les Verts et le Modem), un record pour la ville. En même temps, elle a pris les rennes de la présidence de la Métropole Européenne de Lille, puis est devenue vice-présidente sous Damien Castelain à partir de 2014 (et jusqu'à aujourd'hui). Sa popularité a commencé à faiblir mais est resté forte en obtenant 52,05% des voix pour un troisième mandat. Le dernier avait-elle annoncé... avant de finalement briguer un quatrième mandat en 2020, se définissant alors comme "rempart" à Emmanuel Macron. Elle a gardé son siège mais de justesse : 227 voix seulement la séparent de Stéphane Baly, représentant lillois des Écologistes.
Ce qu'il faut retenir de ses mandats
Difficile de lister toutes les actions qu'elle a mené à Lille. Parmi elles, on peut en citer quelques-unes.
- Lille, ville de culture
Culturellement parlant, Lille a gagné en réputation sous ses quatre mandats. La ville est devenue Capitale européenne de la culture en 2004. Et dans la lignée, lille3000 a été créée avec ses saisons culturelles XXL... mais a aussi été critiquée par les opposant·es Faire Respirer Lille et les Écologistes qui reprochent son hégémonie culturelle, et le versement de millions d'euros de subventions, au détriment d'autres assos.

Martine Aubry a également rendu la culture plus accessible : on a pu voir naître les "Maisons Folie" ; les musées municipaux sont devenus gratuits pour les Lillois·es, Lommois·es et Hellemois·es tous les dimanches (et pour tous et toutes le 1er dimanche du mois) ; les rues ont pris des couleurs notamment par le soutien de Martine Aubry aux BIAM du collectif Renart qui a réalisé de nombreuses fresques murales.
- Les grands projets
Pour les grands projets, difficile de ne pas citer celui de la friche Saint-Sauveur (porté avec la MEL), l'écoquartier Fives Cail ou encore la construction de nouveaux logements dans une ville qui a plus de demandes que d'offres. Des projets qui n'ont encore une fois pas fait l'unanimité.
Le projet Saint-Sauveur est toujours dans le viseur des opposant·es (notamment des collectifs et associations d'habitant·es) qui critiquent une "bétonisation de la ville". "On a très mal compris comment certains n'ont pas pu accepter et nous ont fait perdre 10 ans dans ce projet", a déploré Martine Aubry pendant la conférence de presse. Pour parler de renaturation, elle est revenue sur plusieurs projets verts qu'elle a mené comme la création du parc JB Lebas, d'une quinzaine de squares et jardins, le parc Grand Sud et d'autres. "Je n'ai pas fait de greenwashing", affirme-t-elle.

- La fête lilloise
Côté vie nocturne, beaucoup de Lillois·es ont reproché à Martine Aubry d'avoir "tué la fête". Sa décision en 2015 de fermer les bars à 1h plutôt que 3h n'a pas été totalement digérée par les gérant·es qui avaient provoqué à l'époque un lever de boucliers. "Depuis une dizaine d’années, Lille était un exemple de démocratie en matière de vie nocturne. Et du jour au lendemain, sans aucune concertation, il y a cet arrêté qui rompt le dialogue", avait reproché à l'époque Rémi Calmon, directeur national du SNEG. En 2022, la fête de la musique a suscité un tollé avec l'interdiction de la musique amplifiée à l'extérieur. Une "erreur de communication" selon elle.
Les créations de la maison des mobilités, des solidarités et de l'habitat durable, des centres sociaux, le développement de 75km de pistes cyclables, le déploiement de caméras dans la ville et d'un plus grand nombre de policiers municipaux, la rénovation du quartier Lille-Sud avec notamment Lillenium... la liste des actions et des projets qu'elle a menés est encore longue.
Mais on s'arrête là, parce qu'avec un quart de siècle à la tête de la capitale des Flandres, il y a de quoi faire une quadrilogie.