Lille ne connaîtra pas de marche des Fiertés cette année. On s'est dit que c'était peut-être le bon moment pour regarder un peu en arrière et (re)découvrir l'histoire homosexuelle de la ville. Et ça tombe bien, c'est le sujet de la thèse de Sébastien Landrieux, doctorant en histoire à l'Université de Lille.
Ce 19 septembre, les rues de Lille devraient être bondées de gens colorés et dansant au son de la musique diffusée à fond depuis un camion. Rien ne compensera l'annulation de cette 25e Pride lilloise mais on a quand même voulu marché en ville.
On l'a fait avec Sébastien Landrieux. Originaire de Roubaix, il est aujourd'hui doctorant en histoire à l'université de Lille. Son sujet de thèse ? L'histoire des homosexualités dans le Nord entre 1890 et 1985. "
Cette période va grosso modo de l'installation des premiers urinoirs publics jusqu'à leur disparition", explique l'universitaire.
Urinoirs publics et archives judiciaires
Que viennent faire les urinoirs publics dans cette histoire ? C'était tout simplement le lieu de rencontre privilégié des hommes homosexuels à l'époque. On en comptait trois rien que sur la Grand-Place de Lille : un au pied de la Déesse, un sous les voûtes du Théâtre du Nord (qui était des halles marchandes à l'époque) et un autre, souterrain, du côté de l'Opéra. Ils formaient une sorte de "triangle d'or" des urinoirs lillois au XXe siècle.
Pour savoir ce qui se passait dans ces urinoirs, Sébastien est allé fouiller dans les archives judiciaires, journalistiques, municipales et départementales. Un véritable travail de fourmi qui met en lumière l'histoire de l'homosexualité dans l'espace public lillois. "
C'est surtout centré sur les hommes malheureusement, déplore Sébastien.
Les traces historiques sur le lesbianisme sont restées en majorité dans le domaine du privé."
https://youtu.be/lfvsJ6e1tTI
Bars gay-friendly
Outre les rapports de police relatant des arrestations pour outrage à la pudeur dans les urinoirs particulièrement précis, l'historien a compilé une foule d'histoires et anecdotes sur les lieux emblématiques qui ont construit l'histoire homosexuelle à Lille.
On pourrait par exemple vous parler
du Molière, l'ancêtre du Dracir, l'un des premiers bars gay friendly de Lille qui avait vue directe sur l'entrée des fameux urinoirs publics de l'Opéra. Même stratagème pour
le Cintra, rue de Paris (c'est maintenant We are Ara). Les jeunes gens pouvait voir, depuis la terrasse, qui rentrait ans les urinoirs, s'y rendaient eux-mêmes, avant de ressortir et de se rendre avec leur conquête au
Cinéac, le grand cinéma de la rue Faidherbe, occupé aujourd'hui par la Grande Pharmacie.
A deux pas de là, rue des Trois-Couronnes, juste en face du Society, vous aviez
la Baraque, tenue par Melle Rose. Pendant vingt ans, ce bar homosexuel a vécu sa vie en plein centre ville sans jamais avoir connu le moindre souci avec les forces de l'ordre.
Contrairement
au Vieux-Clocher... Dans les années 50, un certain monsieur Renard tient ce bar gay du côté du Vieux-Lille (c'est aujourd'hui le Bar à Mines). Sauf que les jeunes hommes qui y travaillent sont un peu trop "friendly" avec les clients qu'ils peuvent même emmenés à l'étage du bar, dans les appartements du proprio. "
C'est le plus gros scandale à connotation homosexuelle à Lille, raconte Sébastien.
Ce scandale va durer près de deux ans et va éclabousser pas mal de personnalités du coin dont un maire d'une petite ville de la métropole lilloise ou encore un bijoutier de la Grand-Place."
On pourrait aussi vous parler de l'histoire du
jardin Vauban et de sa fameuse grotte de la Sainte-V(i)erge. Mais on vous laisse
contacter Sébastien pour savoir la suite. Il organise pour ceux et celles qui le veulent des visites où il partage son savoir et ses recherches sur le sujet.
Ah et Sébastien recherche aussi des témoignages de personnes homosexuelles de plus de 60 ans vivant dans le Nord. Si vous avec une grande tante ou le cousin de votre grand-père qui peut témoigner, n'hésitez pas non plus à contacter le doctorant (sebastien.landrieux.etu@univ-lille.fr).