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[Flashback] Olympe Démarez, la toute première avocate du Nord

Justine Pluchard 6 min de lecture
09 mars 2021, Flashback

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Lundi, on sera le 8 mars, et ce sera la journée internationale du droit des femmes. On va donc vous parler de droit et de femme aujourd'hui, en vous retraçant l'histoire d'Olympe Démarez. Une Nordiste du Cambrésis, instit' à Dunkerque qui finira par devenir, à 36 ans, la toute première avocate du Nord à l'aube de la Première Guerre mondiale.

Tout commence en 1878, dans la région de Cambrai. On est à la campagne, à Rejet-de-Beaulieu plus précisément, un hameau rattaché à la commune de Catillon-sur-Sambre. Olympe Démarez y nait le 27 janvier de cette année là, dans une famille très modeste : son père Léocade est garde-chasse et sa mère, Aurélie, est une jeune ouvrière agricole qui n'a que 18 ans quand elle accouche d'Olympe. L'enfant ne sera d'ailleurs légitimée qu'un an après sa naissance, lors du mariage de ses parents.

La petite Olympe grandit et fréquente, comme tous les autres enfants, l'école du hameau où elle décroche son certificat d'études en 1890. Et elle est douée Olympe. Mais à l'époque, ça ne suffit pas pour poursuivre ses études. A 12 ans, elle se destine donc à un métier manuel et compte devenir modiste. Et puis en fait non. Ses parents changent finalement d'avis très peu de temps après et lui proposent de reprendre ses études, ce qui est une énorme chance pour Olympe. On vous arrête tout de suite : elle n'ira pas étudier le droit. Pas tout de suite en tout cas. Non pas qu'elle n'aime pas ça, mais ça ne lui servirait pas à grand chose niveau carrière.

Etudier, oui. Plaider, nope

Car en 1890, une femme n'a tout simplement pas le droit de devenir avocate. A l'époque, ce métier est intimement lié au monde de la politique et nombre de grands avocats finissent par devenir maire, député ou encore ministre. Les femmes n'ayant pas le droit de vote, pourquoi diable leur ouvrir le métier d'avocat ? Attention, elles peuvent quand même étudier le droit. Elles n'ont juste pas le droit de prêter serment et donc de plaider et d'exercer le métier. Il faudra attendre une loi de décembre 1900 pour que les choses changent (merci Jeanne Chauvin).

Revenons-en à Olympe qui ne peut donc pas encore dire : "Plus grande, je serai avocate" . Elle se tourne donc vers le métier d'enseignante et réussit là aussi brillamment. Elle débarque pour son premier poste à Petit-Fort-Philippe en 1898 avant d'arriver à Dunkerque en 1902. Les années passent et en 1908, pour une raison qu'on ignore encore, Olympe quitte son poste. Elle a 30 ans, n'est pas mariée, et quitte un métier "secure" pour reprendre ses études. Autant vous dire qu'au début du XXe siècle, c'est tout sauf commun une femme de trente piges, célib', en province et qui veut tenter une reconversion pro. Elle va s'inscrire à la fac de droit de Lille, où aucune femme n'a encore obtenu sa licence.

Job étudiant

Pour payer ses études, elle va se dégoter un job de secrétaire auprès d'un jeune et fringuant avocat dunkerquois, Charles Valentin. Olympe décroche ensuite sa capacité de droit et est officiellement licenciée de droit en 1913. Et le 2 février 1914, à 36 ans, elle prête serment devant la Cour d'appel de Douai, devenant la première femme du Nord à le faire.

L'histoire d'Olympe ne s'arrête bien évidemment pas là. Même si elle est officiellement avocate, la Nordiste va finalement très peu plaider au cours de sa vie. Déjà parce que faire partie des pionnières n'est jamais aisé, ensuite parce qu'elle est tombée amoureuse de son employeur, Charles Valentin. Il ne lui a pas interdit d'exercer de ce qu'on sache. Mais c'était un grand orateur qui avait de belles ambitions politiques et Olympe, en plus d'être sa concubine pendant de nombreuses années (pas de mariage en vue alors), va être sa plus fidèle et compétente collaboratrice ; que ce soit pour défendre avec lui ses opinions politiques lors des élections ou préparer les dossiers juridiques. Son travail était reconnu, tout comme son intelligence et son dévouement.

Charles Valentin réussit à devenir maire de Dunkerque en 1925 et va le rester durant de nombreuses années. Il devient même conseiller général puis député dans les années 30. Mais un tramway va venir mettre fin à cette belle carrière.

Un mariage et un enterrement

Le 20 septembre 1939, le député-maire doit prendre un train pour Paris et saute dans sa voiture avec chauffeur pour relier Dunkerque à la gare de Lille. Alors qu'il est presque arrivé, l'automobile percute de plein fouet un tramway. Le chauffeur est tué sur le coup tandis que Charles est amené en urgence à l'hôpital Calmette où le docteur Oscar Lambret diagnostique une fracture du crâne. Charles est mourant et Olympe débarque à Lille pour qu'on les marie avant son dernier souffle. C'est le maire de Lille qui s'en charge et elle devient officiellement madame Valentin le 22 septembre. Charles meurt juste après.

Après la mort de son mari, Olympe revient dans son hameau natal du Cambrésis, y loue une maison et entre dans l'associatif. Elle vit là-bas pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale avant d'être rappelée à Dunkerque à la Libération par le nouveau maire de la ville. On est en 1945, les femmes ont désormais le droit de vote et la jeune veuve va aussi devenir la première femme élue au conseil municipal de Dunkerque. Elle ne quittera plus cette ville et y mourra le 5 septembre 1964, à l'âge de 86 ans.

Pour vous écrire cet article, on s'est basé sur :

  • L'article "Olympe Démarez, sous la robe, la femme" de la Voix du Nord, paru le 3 février 1913.
  • Le site "Tourisme en Cambrésis".
  • Des extraits du livre de Jean-Louis Bouvart, "De Gourgouche... à Rejet-de-Beaulieu", 1999
  • L'exposition "L'université avec un grand ELLES" organisée en 2019 par l'Université de Lille.
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par Justine Pluchard

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