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[Flashback] Jérôme Carrein, le dernier guillotiné du Nord

Justine Pluchard 7 min de lecture
09 oct. 2021, Flashback

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Il y a quarante ans, la loi du 9 octobre 1981 proclamait l'abolition de la peine de mort en France. On a donc voulu revenir sur le procès de la dernière mise à mort d'un détenu dans le département. Et c'est à Douai que la guillotine a été installée pour la dernière fois. C'était pour Jérôme Carrein, reconnu comme le meurtrier d'une petite fille de 8 ans.

Il est le dernier condamné à mort du Nord, l'avant-dernier guillotiné de France. Jérôme Carrein était un vagabond alcoolique qui a avoué avoir tué Cathy, une petite fille de 8 ans et demi de la commune d'Arleux à l'automne 1975.

Les faits

On est le 27 octobre 1975. Jérôme Carrein est un trentenaire illettré, tuberculeux et alcoolique qui traîne dans la petite commune d'Arleux. Il est bien connu dans le coin puisqu'il passe pas mal de temps dans les bistrots de la ville et dort souvent dans les granges. Il n'a pas bonne réputation mais personne ne s'en méfie vraiment.

Ce jour-là, il va manger son repas de midi au café de chez Fernande avant de repartir cuver. En fin d'après-midi, l'un des enfants de Fernande, Eric, rentre de l'école. Sa mère remarque bien que Cathy , sa sœur de 8 ans et demi, n'est pas rentrée avec lui. Mais elle se dit que la petite a peut-être été punie et a dû être retenue en classe.

Lorsqu'elle finit par demander à son fils pourquoi Cathy n'est toujours pas là, celui-ci lui raconte qu'à la sortie de l'école, un homme l'attendait et qu'elle est partie avec lui. L'homme n'est pas un inconnu puisqu'il était au café ce midi et qu'il a dit à Cathy qu'ils devaient aller chercher des appâts pour son beau-père. C'est quand ce dernier rentre du travail et que Fernande lui raconte cette histoire que tout le monde sent qu'il y a un problème.

Jean-Louis, le beau-père, repart directement à la recherche du vagabond et de sa belle-fille. Sauf qu'entre deux, Jérôme Carrein est revenu au café de Fernande pour boire une pinte. Forcément, la gérante lui demande où est passée sa fille. Il répond qu'il a bien emmené Cathy vers les marais de Palluel, à deux pas de la ville. Mais qu'elle est ensuite repartie et qu'il ne l'a pas revue depuis. Personne n'y croit.

De retour au café, Jean-Louis se rue sur Jérôme Carrein et l'assène de coups pour lui faire avouer ce qu'il a fait de Cathy. Ce sont les gendarmes, que le beau-père avait prévenus juste avant de rentrer, qui vont mettre fin à ce lynchage. Ils emmènent le vagabond et le mettent en cellule de dégrisement pour l'interroger ensuite.

Au même moment, des battues sont lancées vers les marais. C'est au petit matin du 28 octobre qu'on retrouve le corps de la petite fille, enfoncé dans la vase. Il a fallu attendre un bon bout de temps avant que Jérôme Carrein ait fini de cuver tout son alcool du jour. Une fois assez sobre, on l'interroge et très vite, il avoue tout.

On vous passe les détails sordides mais l'homme enivré a bien emmené Cathy vers les marais ce jour-là. Il aurait tenté de la violer, n'a pas réussi et pour éviter qu'elle n'aille le dénoncer, a maintenu sa tête dans la vase jusqu'à ce qu'elle se noie.

Un jour, un procès, un verdict

Jérôme Carrein a tout avoué et a d'ailleurs été vu avec la petite en allant vers les marais par plusieurs personnes du village. Sa culpabilité ne fait aucun doute. On découvre à Arleux qu'il a déjà fait de la prison plus jeune pour avoir tabassé sa femme. Il est désormais accusé d'enlèvement d'une mineure de moins de quinze ans, de tentative de viol et de meurtre. Sa ligne de défense principale ? L'alcool et une enfance miséreuse.

Pour vous remettre un peu de contexte, on est à une époque où on commence à discuter beaucoup autour de la peine de mort. Certains avocats (dont un certain Robert Badinter) arguent de plus en plus pour la commuer en peine de prison à perpétuité. A Arleux, pas question d'en entendre parler : Fernande avait d'ailleurs fait passer une pétition pour appuyer la condamnation à mort de Carrein, au cas où. Elle avait recueilli 300 signatures et l'avait remise au début du procès au juge tandis que l'avocat de l'accusé plaidait la vie misérable sous fond de violence et d'alcool depuis l'enfance de son client.

Arleux est une ville du Nord mais les marais où a été tuée Cathy se trouvent dans le Pas-de-Calais. Et c'est donc à la cour d'assises de Saint-Omer que va se dérouler le procès de Jérôme Carrein le 12 juillet 1976. A l'époque, un procès d'assises ne dure pas des jours comme c'est le cas aujourd'hui. Là, une seule journée d'audience suffit, et le verdict tombe le jour même : ici, Jérôme Carrein est condamné à la peine de mort. Il ne peut pas faire appel de ce verdict : en 1976, ce n'est tout simplement pas un droit. Mais l'avocat de Carrein va quand même réussir à "casser" le procès pour vice de forme en cassation. Il y aura donc un deuxième procès.

Bis repetita

Le 1er février 1977 se tient donc le nouveau procès de Carrein qui apparaît comme métamorphosé par ses années d'incarcération. Il est sobre, il a appris à lire et écrire, sa conduite en prison est irréprochable. Mais ça n'enlève rien au crime abject d'il y a deux ans.

Surtout que ce n'est plus à Saint-Omer que se tient le second procès, mais à la cour d'assises de Douai, juste à côté d'Arleux. Arleux où on réclame toujours vengeance... et même double vengeance. A peine deux semaines plus tôt, Patrick Henry, lui aussi reconnu coupable de l'enlèvement et du meurtre d'un petit garçon de 7 ans a été condamné non pas à la peine de mort mais à la prison à perpétuité. Son avocat ? Robert Badinter. C'est un séisme judiciaire.

Sauf qu'à l'époque, une bonne partie de l'opinion française ne va pas dans ce sens. Au procès de Douai, l'avocat général va une nouvelle fois demander la peine de mort pour Jérôme Carrein. Et il va une nouvelle fois l'obtenir. Désormais, seule une grâce présidentielle peut lui sauver la tête. Mais le cas Patrick Henry fait encore beaucoup trop parler de lui et le président, Valery Giscard d'Estaing rejette la demande de grâce.

Quelques mois plus tard, le 23 juin 1977, le soleil n'est pas encore levé quand Jérôme Carrein, 35 ans, s'avance dans le couloir qui mène à la cour de la prison de Douai où la guillotine l'attend. Le couperet tombe à 4h30. Mais il ne retombera plus jamais. Son avocat expliquera à La Voix du Nord dans les années 80 qu'après cette expérience, il ne pouvait qu'être contre la peine de mort.

https://youtu.be/SlUamjBz26c

Pour vous raconter tout ça, on s'est basés sur les sources suivantes :

Vozer Vozer

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article écrit
par Justine Pluchard

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