TchaoMegot, la boite régionale qui veut transformer les mégots en isolant thermique et en doudoune
Justine Pluchard,
4 min de lecture
15 fév. 2022,
C'est green
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C'est une idée aussi folle que prometteuse : détoxifier les fibres présentes dans les vieux mégots de cigarettes pour les transformer en isolant thermique destiné au bâtiment et à l’habillement. Un projet fou lancé en 2019 et qui a bien évolué depuis. On va même pouvoir très vite acheter les premières doudounes de TchaoMegot.
On est en 2019 et Julien Paque, alors étudiant à HEI, travaille dans la boîte de ses parents qui produit de l’isolant thermique pour le bâtiment. Un jour, en sortant d’un chantier, il tombe nez à nez avec un cimetière de mégots sur le trottoir. En y regardant de plus près, il se rend compte que les fibres qu'ils contiennent ressemblaient quand même pas mal à la fibre de verre utilisée pour l'isolation.
Tout part de là : Julien commence à collectionner les mégots et à récupérer cette fameuse fibre pour essayer d'en extraire la toxicité. Il commence aussi une phase de prototypage pour voir ce qu'il pourra en faire ensuite. Très vite, il voit qu'il y a matière à faire et imagine déjà revendre ses plaques d'isolant de mégots dans le bâtiment et créer des doublures pour des doudounes.
Le truc, c’est que pour faire les choses sérieusement, Julien doit faire appel à des laboratoires qui vont certifier que la fibre a bien perdu toute sa toxicité dans le processus de revalorisation, et qu’elle a bien un caractère isolant. Des démarches coûteuses qui vont pousser Julien à lancer une première campagne de financement participatif fin 2019. L'objectif est atteint, la machine TchaoMegot est lancée.
Six brevets et un label
Depuis, l'équipe a grandi et avance doucement mais sûrement vers son objectif initial. "On est neuf aujourd'hui et on a beaucoup travaillé pour trouver un moyen écolo de valoriser les mégots, explique Amélie Velter, l'ingénieure sur la partie industrialisation du projet. Au total, on a déposé pas moins de six brevets pour leur dépollution." Car le but n'était pas seulement d'arriver à "détoxifier" le mégot : TchaoMegot veut le faire sans devoir utiliser d'eau. Et elle a réussi.
On ne va pas vous dévoiler son secret. Mais au bout d'un an de recherche, l'équipe a trouvé un solvant neutre qu'elle arrive à régénérer en le faisant changer d'état. Grâce à lui, les toxines (qui ne représentent au final que 0,3% de la matière du mégot) sont séparées des fibres puis sotckées. Petit plus : mêmes les odeurs disparaissent. En 2020, une étude de l'Ineris (l'Institut national de l'environnement industriel et des risques ) est venue confirmée que la matière sortie était non-toxique. Et en mai dernier, TchaoMegot a aussi reçu le label Greentech du ministère de la Transition écologique.
Cette première étape se fait près de Beauvais, là où s'est implanté le siège de TchaoMégot. "On a une machine pilote là-bas et notre but, c'est d'avoir bientôt la grande sœur." Pour les étapes suivantes, direction le Nord : "C'est le bassin du textile, il y a les machines et les gens compétents", explique Amélie. Une fois la fibre dépolluée, elle part donc à l'Institut français du textile et de l'habillement (IFTH), basé à Tourcoing, pour être transformée et devenir des plaques ou rouleaux d'isolant.
3200 mégots sans les manches
Tout ça ira ensuite se faire rhabiller avec du tissu imperméable dans des ateliers textiles du coin. "On ne sait pas encore où on produira les doudounes car on est encore dans la phase de prototypage", précise Amélie. Les premières pièces que nous montre Amélie n'ont rien à envier à celles qu'on a déjà croisées dans le commerce. Elles contiennent chacune 3200 mégots de cigarettes, "4500 mégots si vous voulez des manches", ajoute toute souriante la jeune ingénieure.
Pour s'en dégoter une via le site internet de TchaoMegot, il faudra attendre encore quelques mois, le temps que la phase d'industrialisation se finalise, vous l'aurez compris. Le prix n'est pas encore fixe mais il avoisinera les 120€.
En attendant, l'équipe continue également de sensibiliser sur la collecte des mégots. "On a déjà 400 partenaires privés et une centaine de collectivités qui nous suivent." Ces partenaires achètent des sacs et des cendriers pour participer à la collecte mais aussi financer le projet. Une vraie économie circulaire et écologique puisqu'au final, doudoune ou pas, c'est toujours moins de mégots retrouvés par terre ou dans l'eau.